Dis moi comment tu parles, je te dirais comment tu vois le jeu, comment tu t’entraînes, comment tu te comportes, et, en bout de course, comment tu joues
Les mots ont un sens, ce qui est vrai dans la vie, l'est souvent dans le rugby. Mais plus que ça, le choix des mots a un sens. Dans notre jeu, beaucoup de mots sont traduits de l'anglais, ce qui sous-entend forcément une interprétation. Les choix qui en découlent disent aussi notre façon de voir le rugby. Il arrive aussi, et c'est presque surprenant pour nous français, que même des pays qui ont l'anglais pour langue officielle, "traduisent" de l'anglais d’Angleterre certains termes pour les adapter à leur culture rugbystique.
A tout seigneur tout honneur commençons par l'arbitre que les anglophone nomment "referee"... Est-ce à dire que là où moi, français et râleur comme il se doit, je veux lire "arbitraire", eux veulent voir "référence" ? Hasard ou réalité profonde de notre façon d'appréhender l'homme en noir ? Sans aller jusqu'à se ruer dans le premier cabinet de psychanalyse venu, ça vaut peut être le coup, pour nous, adorateurs du coq, de s'interroger un instant.
Le 5 de devant, première ligne et attelage. Les hommes de la conquête directe.
Puisqu'en en est aux seigneurs, poursuivons avec la première ligne et le talonneur. Là où nous voyons un joueur qui est là pour utiliser l'arrière de son pied, ils voient un "Hooker", qui vient de "hook" qui se traduit par "crochet", "agrafe" ou "hameçon". Nous nommons donc le talonneur d'après une action qu'il accompli sur le terrain...("qu'il accomplissait" je devrais dire, tellement il est vrai que les introduction de nos jours n'ont besoin d'aucun talonnage pour se retrouver dans les pieds de la 3ème ligne !) ; Eux nomment ce joueur sur ses attitudes en mêlée, et notamment son aptitude à se lier à ses partenaires. Qui est dans le vrai ? Tous les spécialistes vous le diront, l'essentiel de cette phase de conquête, c'est effectivement la qualité des liaisons entre les joueurs du pack.
Pour ce qui concerne les piliers, laconiquement, on les différencie en "droitier" ou "gaucher" selon le côté de la mêlée qu'ils occupent. Pour les non-initiés, ces dénominations ne disent rien sur les différences pourtant fondamentales de ces deux postes. Rien qu'en les nommant, les anglophones comprennent ce qu'il en est : Il y a le "loose-head" ou "tête libre" et le "tight-head " ou "tête serrée", "tête à l'étroit". Là on comprend bien qu'un des pilier a la tête libre et ne supporte la pression que sur une épaule, alors que l'autre a la tête prise et reçoit la pression sur les deux épaules. Les deux efforts n'ont rien à voir, il est d'ailleurs extrêmement rare de voir un joueur apte à occuper les deux postes. Plus souvent, un droitier, "tête prise", peut jouer talonneur, qui lui aussi a la particularité d'avoir sa "tête prise".
La seconde ligne, que nous appelons aussi "l'attelage", n'est que la traduction directe de l’appellation Britannique "second row". Mais là, on voit une différence sémantique pour les contrées sudistes, pourtant elles mêmes anglophones. Là-bas, dans le sud, ils les appellent les "Locks", terme qui peut être traduit par "serrure", "verrou" ou même "cran de sûreté". On devine encore une allusion appuyée à la mêlée, mais l'appellation dépasse l'endroit où sont placés les joueurs, pour bien décrire, comme pour les piliers, leur rôle dans le collectif, pour cette phase de conquête directe. Philosophiquement, encore une fois, c'est bien différent. Je ne m’étendrai pas sur le terme "d'attelage" qui, encore pire, quelque part insuffle dans nos esprits faibles, qu'une paire de bœufs feraient aussi bien l'affaire...
Il y a deux façons pour les anglais de nommer ce que nous appelons la 3ème ligne. La première est "back row" que l'on pourrait traduire par "dernière ligne", ce qui peu ou prou veut dire la même chose, la 3ème ligne étant effectivement la dernière de la mêlée. Mais ils utilisent aussi une autre expression plus intéressante, c'est "loose fowards", ou "avants libres". Alors certes on peut le comprendre comme une simple allusion à la structure de la mêlée, mais j'aime penser que le terme "libre" ne s’applique pas qu'à la conquête, mais bien à la philosophie générale de jeu : 3 avants "libres". libres de courir, libres de participer au jeu au delà des phases de combat.
Cette ligne est constituée de 3 joueurs, d'abord le numéro 8, que les anglophones du nord ou du sud appellent "number eight". A croire que quelque soit la langue, le rôle de ce joueur est impossible à décrire en termes usuels, on utilise donc tous tout bêtement le numéro qu'il porte sur le dos.
Enfin les deux 3ème ligne aile que nous départageons en "coté fermé" et "grand côté". Les britanniques (et leurs descendants) parlent de "Flankers", anglicisme que nous avons récupéré en français. Il est vrai que ce terme militaire décrit bien les défenseurs des zones fragiles de notre armée, les qualités défensives de ces hommes sont ainsi bien pointées. Les deux côtés sont aussi séparés en "blind-side flanker", "flanker côté aveugle", et, "open-side flanker", "côté ouvert". Ce terme "aveugle" met en avant une plus grande fragilité encore de la zone à défendre, il sous entends donc des qualités de défenseur encore meilleures indispensables pour occuper ce poste. Le terme "côté ouvert", également utilisé en français, sous entends une plus grande surface à couvrir, et donc des qualités de vitesse et mobilité supérieures au côté fermé.
Reste que mot à mot le "ruck" c'est la "foule", la "masse", le "groupe". Ça se comprend, ça veut dire ce que ça veut dire. "Maul", c'est plus méconnu, veut dire "malmener", "écraser", "mutiler", "déchiqueter" ! Y a pas à dire... ça veut aussi dire ce que ça veut dire !
On le voit, les termes que l'on choisi ne sont pas neutres, ils ne viennent pas du hasard, mais les raisons pour lesquelles on les utilise sont profondes, ancrées dans une histoire et une philosophie de jeu.
En écrivant cet article, une chose me frappe : beaucoup de postes des avants font référence à la mêlée fermée, aucun ne vient de l'autre phase de conquête pourtant tout aussi essentielle : la touche. Il est probable que la touche n'a pas toujours eu dans l'histoire de l'ovalie l'importance stratégique qu'elle a aujourd'hui.
Une chose est sûre, la mêlée est ancrée au plus profond de notre histoire, et quelque soit les évolutions que l'on veuille apporter au jeu pour les rendre plus télégéniques, nous, notre mêlée on la veut !
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La 3ème ligne, la défense et le jeu.
Il y a deux façons pour les anglais de nommer ce que nous appelons la 3ème ligne. La première est "back row" que l'on pourrait traduire par "dernière ligne", ce qui peu ou prou veut dire la même chose, la 3ème ligne étant effectivement la dernière de la mêlée. Mais ils utilisent aussi une autre expression plus intéressante, c'est "loose fowards", ou "avants libres". Alors certes on peut le comprendre comme une simple allusion à la structure de la mêlée, mais j'aime penser que le terme "libre" ne s’applique pas qu'à la conquête, mais bien à la philosophie générale de jeu : 3 avants "libres". libres de courir, libres de participer au jeu au delà des phases de combat.
Cette ligne est constituée de 3 joueurs, d'abord le numéro 8, que les anglophones du nord ou du sud appellent "number eight". A croire que quelque soit la langue, le rôle de ce joueur est impossible à décrire en termes usuels, on utilise donc tous tout bêtement le numéro qu'il porte sur le dos.
Enfin les deux 3ème ligne aile que nous départageons en "coté fermé" et "grand côté". Les britanniques (et leurs descendants) parlent de "Flankers", anglicisme que nous avons récupéré en français. Il est vrai que ce terme militaire décrit bien les défenseurs des zones fragiles de notre armée, les qualités défensives de ces hommes sont ainsi bien pointées. Les deux côtés sont aussi séparés en "blind-side flanker", "flanker côté aveugle", et, "open-side flanker", "côté ouvert". Ce terme "aveugle" met en avant une plus grande fragilité encore de la zone à défendre, il sous entends donc des qualités de défenseur encore meilleures indispensables pour occuper ce poste. Le terme "côté ouvert", également utilisé en français, sous entends une plus grande surface à couvrir, et donc des qualités de vitesse et mobilité supérieures au côté fermé.
Les avants et le combat
Je ne finirai pas sans deux autres anglicismes largement utilisés pour le jeu d'avants, le "ruck" et le "maul". Nous traduisons parfois le "ruck" en "mêlée spontanée" par opposition à celle qui est ordonnée par l'arbitre. Le "maul" quant à lui ne manque pas d'expressions imagées issues de nos mémoires collectives, de la cocotte au ballon porté en passant par la fameuse tortue bèglaise qui a bercé nos jeunesses.Reste que mot à mot le "ruck" c'est la "foule", la "masse", le "groupe". Ça se comprend, ça veut dire ce que ça veut dire. "Maul", c'est plus méconnu, veut dire "malmener", "écraser", "mutiler", "déchiqueter" ! Y a pas à dire... ça veut aussi dire ce que ça veut dire !
On le voit, les termes que l'on choisi ne sont pas neutres, ils ne viennent pas du hasard, mais les raisons pour lesquelles on les utilise sont profondes, ancrées dans une histoire et une philosophie de jeu.
En écrivant cet article, une chose me frappe : beaucoup de postes des avants font référence à la mêlée fermée, aucun ne vient de l'autre phase de conquête pourtant tout aussi essentielle : la touche. Il est probable que la touche n'a pas toujours eu dans l'histoire de l'ovalie l'importance stratégique qu'elle a aujourd'hui.
Une chose est sûre, la mêlée est ancrée au plus profond de notre histoire, et quelque soit les évolutions que l'on veuille apporter au jeu pour les rendre plus télégéniques, nous, notre mêlée on la veut !
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